Blogue sur les ponts couverts
Blogue sur les ponts couverts
Aujourd’hui j’ai choisi de m’attarder un peu sur un pont dont on parle peu souvent, soit le pont Cousineau de Valcourt. Comme il est privé et très bien surveillé, il est plus difficile d’obtenir de bonnes photos de ce pont. Par contre les archives sont riches et elles vont nous permettre d’observer de plus près certaines particularités peu communes de cette structure unique. Toutes les photographies utilisées aujourd’hui n’avaient jamais été publiées sur le site à l’exception de la première. C’est un départ virtuel pour Valcourt.
Il est possible de prendre de bonnes photos du pont Cousineau à partir du terrain de la piscine municipale, ce qui est tout à fait légal. Comme on le sait, ce pont est privé et les propriétaires sont peu accueillants envers les amateurs de ponts couverts. Il y a donc moyen de prendre d’excellents clichés sans marcher sur leur terrain.
Photo : Gérald Arbour
Cette photo est riche en informations. On note la présence d’un grillage, d’une barrière, d’un système d’éclairage et d’une caméra, autant de détails très difficilement observables sur d’autres de nos structures.
Photo : Gérald Arbour
Cette photo de 1984 nous montre le pont Cousineau avec le grillage fermé. J’ai visité ce pont à quelques reprises mais je n’ai jamais vu le pont avec le grillage en opération. Il doit être fermé très rarement. Il existe un autre accès à la propriété et il est possible que le pont Cousineau soit saisonnier.
Photo : Gérald Arbour (1984)
Ce saule très âgé, maintenant disparu, aurait été temoin de plusieurs tranches de vie du pont couvert Cousineau. Il en est question dans un texte inclus ci-bas dans ce billet.
Photo : Gérald Arbour
Le pont Cousineau a été répertorié en 1982. Propriété des Cousineau de père en fils depuis 1888, ce pont a changé de propriétaire en 1970. Il perdra sa belle patine grisâtre pour devenir tout blanc.
Photo : Gérald Arbour
Ce pont possède plusieurs caractéristiques peu communes, dont des jambes de force travaillées, un portique évoquant la mansarde ainsi que des roulières. Ces dernières ont été ajoutées il y a quelques années et elles ne sont pas visibles sur ce cliché.
Photo : Léo Bonin (1995)
Voici la pose la plus commune pour le pont Cousineau, celle qu’il est possible d’obtenir sans difficulté. La plupart des amateurs de ponts couverts s’en contentent. On peut aussi avoir un bon point de vue sur le pont à partir du terrain du petit bistro.
Vidéo : Léo Bonin, collection : Gérald Arbour
En exclusivité, un petit vidéo du pont Cousineau tourné en 1996, ainsi qu’un article publié dans le Pont’âge en 1986. La lecture de cet article vous apprendra de nombreux détails sur le pont Cousineau.
Jean-Baptiste Cousineau, pionnier de Valcourt
par Gérald Arbour
Le village de Valcourt est largement connu comme étant la patrie de Joseph-Armand Bombardier, l'inventeur de la moto-neige. Pour nous qui nous nous intéressons à l' histoire des ponts couverts, nous devons retenir le nom de Jean-Baptiste Cousineau et de ses descendants. Cette famille est établie dans le canton d'Ely depuis 1850.
En février 1860, M. Cousineau acquiert une partie du lot 9, rang IV de Valcourt. Sur ce lot se trouvent déjà un moulin à scie et un moulin à farine mûs par la force hydraulique. Ces moulins seront maintenus en opération jusqu'en 1940. Vers 1950 ils seront démolis. Seul le barrage retient en vain une partie des eaux de la rivière Brandy.
Bien qu'aucun vestige de ce complexe industriel ne subsiste, un énorme saule à l'entrée du pont pourrait témoigner de l'activité fébrile qu'il y avait jadis à cet endroit.
Dans toute communauté naissante, la présence de moulins était vitale pour le développement de la région. Ces industries croissaient selon le besoin des villageois, et tout n'étant pas facile dès le début, la famille Cousineau logeait dans une dépendance du moulin. Dès que la situation le permit, une superbe résidence fut construite sur la rive droite de la rivière. Dès lors un pont devient nécessaire pour assurer de façon permanente la circulation entre les diverses bâtisses érigées un peu partout sur le terrain. L'entreprise de construction du pont fut confiée aux Copping, vendeurs de bois de Boscobel. En 1888 le pont de Valcourt aura une copie conforme érigée à Boscobel, par les Copping toujours et face à la demeure de ces derniers(61-66-01). La structure inhabituelle de ces deux ponts donne à penser que les concepteurs ont été largement inspirés par le style architectural suisse utilisé alors pour la construction de ponts couverts dans cette partie de l'Europe. L'exemple de Valcourt est unique dans les annales des ponts couverts du Québec. C'est une bonne illustration, ainsi que d'autres ponts de l'Estrie, de la période que l'on pourrait identifier comme "pré-colonisation", alors que l'initiative dans le domaine de la voirie était en grande partie décidée localement.
De père en fils, les Cousineau ont oeuvré sur le lot 9. L'eau a continué de couler sous le pont. En 1960, M. Patrice Cousineau, alors qu'il traverse le pont avec un chargement de bois de chauffage en prévision de l'hiver à venir, est averti par des craquements plus que sonores que son pont nécessite des réparations. Le poids des années a fait son oeuvre. Des poutres de renforcement sont ajoutées sous le tablier.
Le vénérable saule pourrait nous raconter également que l'électrification de Valcourt a débuté sur les rives de la Brandy. Une génératrice installée dans un des moulins fournissait l'électricité aux habitants du village, et ce, de la brunante jusqu'à onze heures le soir; un peu plus tard lorsqu'il y avait veillée au corps. Cette pratique eut cours jusqu'en 1940 alors que le "grand courant" fait son apparition dans tout le village.
En 1970, la maison ancestrale est déménagée pour faire place à une nouvelle résidence qui n'appartiendra pas aux Cousineau cette fois. A cette époque également la superbe patine grisâtre du lambris du pont disparait pour la première fois sous une couche de peinture blanche. Une barrière ferme maintenant un des portiques. Les lieux sont désormais privés, toute activité y ayant cessé.
Imperturbable, notre saule continue d'enrouler paisiblement son écorce autour d'un des gardefou. Il semble se dresser telle une sentinelle à la porte de la forteresse déserte.
Sources:
Mme Hélène Cousineau
Valcourt et sa région, A.- R. Bombardier, 1976
Le Pont’âge, vol. V, no 3 (printemps 1986)
De bons souvenirs du pont Cousineau de Valcourt
mardi 15 mars 2011
Construit en 1888, le pont Cousineau de Valcourt possède une riche histoire...
Collection : Hélène Cousineau