Blogue sur les ponts
Blogue sur les ponts
Avant toute chose, je tiens à vous rappeler que le 4 à 7 au profit du pont Painchaud aura lieu samedi prochain à St-Méthode sur le site même où le pont est remisé temporairement. Dites-le à tout le monde, il faut y venir en grand nombre. Il y aura beaucoup d’activités très intéressantes, à commencer par une magnifique exposition sur les ponts couverts du Québec.
La période des vacances approche pour plusieurs et je ne fais pas exception à la règle. Je vais donc faire une petite pause vacances pour 2 semaines. Je vais en profiter pour prendre des photos récentes de quelques-uns de nos ponts couverts, et pour me reposer un peu bien sûr. Lorsque je reviendrai dans 2 semaines, vous aurez droit comme sujet d’ouverture à un bilan complet du 4 à 7 au pont Painchaud, avec résumé, photographies et vidéos à l’appui. À suivre et à ne pas manquer. Ça sera comme si vous y étiez... et j’espère que vous y étiez.
Je vous laisse pour la fin de semaine et pour les vacances avec une légende du Québec. Dans les recueils de contes et légendes populaires, plusieurs sont sans auteur car on ignore souvent l’origine d’une histoire qui s’est racontée de bouche à oreille au fil du temps. J’ai sélectionné une légende que je trouve particulièrement intéressante, et pour l’embellir un peu, je l’ai associée à un de nos pont couvert. Bonne lecture.
La légende du pont Prud’homme
Il était une fois vers 1917, à Brébeuf, un petit village des Laurentides, un brave paysan nommé Martin Prud’homme. Il cultivait sa terre patiemment et en vendait les produits au marché. Il vivait simplement, assurant la subsistance de sa famille : une femme, Toinette, et six enfants qui l'aidaient du mieux qu'ils pouvaient dans tous ses travaux.
Pour rejoindre le village et arriver jusqu'au marché, il lui fallait franchir une rivière. Depuis longtemps, tous les habitants des environs désiraient qu'un pont fut construit, qui permettrait de circuler aisément. Mais aucun d'eux ne voulait s'attaquer à ce travail, par manque de temps et d'argent. Un bon matin, Martin décida qu'il allait construire ce pont essentiel, et que ce pont serait couvert. Il profita de l'hiver où le gel permettait d'aller facilement d'un bout du chemin à l'autre, pour aller frapper chez ses voisins, afin de leur demander de l'aider dans son projet.
- As-tu coupé des arbres solides pour dresser la charpente ? lui demanda Antoine.
- Oui, fit Martin, j'en ai coupé et il ne me manque que de les transporter au bord de la rivière.
- Et as-tu fait scier des planches de pin bien larges ? demanda le deuxième voisin.
- Pas encore, répondit Martin ; mais ça viendra. Et toi, bon voisin, tu chemineras sur ce pont couvert comme moi. Ne voudrais-tu pas me fournir des planches comme celles que je vois ici séchant à l'abri de la pluie?
- Oh ! non, ces planches sont pour réparer ma grange, dit le voisin.
Sans trop d'enthousiasme, Martin frappa chez le troisième voisin.
- Viendrais-tu avec ta hache, demanda-t-il, m'aider à écorcer des billots pour la charpente du pont couvert que je vais construire sur la rivière ?
- J'ai trop de travail ici. As-tu de quoi payer mon temps? demanda le troisième voisin.
- Tu sais bien que je n'ai pas le sou, dit Martin.
Tous les habitants du voisinage voulaient bien un pont pour enjamber la rivière, mais personne ne voulait donner du temps ou des matériaux pour le construire. Martin constata avec dépit qu'il ne pouvait compter sur ses voisins. Malgré sa déception, il n'abandonna pas son idée fixe et décida qu'il ferait le pont couvert tout seul.
Le printemps revenu, il se mit au travail. Il transporta les arbres coupés près de la rivière et empila quelques planches mal rabotées qu'il avait réussi à amasser. Il se dit qu'il finirait par arriver à ses fins avec un peu de persévérance, surtout que, le pont couvert terminé, il réclamerait un péage à toutes les charrettes qui le traverseraient. Il deviendrait riche tout en étant récompensé de son labeur. Voilà ce que pensait Martin. Les travaux avançaient bien lentement car la terre réclamait toute son énergie. Sa femme et ses enfants s'occupaient des bêtes, de la fenaison, mais les journées passaient et l'été filait.
Un soir, ses tâches terminées, il se rendit près de la rivière pour voir où il en était de sa construction. Il ne donna pas un seul coup de hache, tant il se sentit découragé à la vue de son chantier.
- Ah ! que c'est triste, lança-t-il. Si je pouvais terminer mon entreprise, je serais riche! Mais point d'argent, pas d'ouvriers à mon service. Personne pour aller faire scier le bois à la scierie ; personne pour transporter les planches ici ! Et pas une âme pour m'aider!
Tout à coup, Martin aperçut un homme bien mis qui venait vers lui. L'étranger s'approcha et, sans préambule, lui demanda la cause de sa triste mine.
- C'est simple, répondit Martin. Je n'arriverai jamais à construire ce pont couvert tout seul.
- Voulez-vous que je vous aide à le terminer ? demanda l'homme en examinant l'état des travaux.
- Si je le veux? s'écria Martin. Je ne demande pas mieux! J'accepte vos services avec joie car la construction de ce pont couvert me tient à cœur !
- Je ne vous demande qu'une chose, continua l'étranger.
- Demandez tout ce que vous voudrez, je vous l'accorde d'avance, déclara Martin qui sentait un grand bonheur l'envahir.
- Très bien. Je veux que vous m'apparteniez entièrement un an après que le pont couvert soit terminé; j'ai besoin de vous !
- C'est convenu ! Je vous donne ma parole, dit Martin avec enthousiasme.
Le visiteur inattendu quitta le bord de la rivière et revint quelques minutes plus tard, accompagné d'une vingtaine d'ouvriers forts et vigoureux qui se mirent à scier, à tailler, à clouer sans répit jusqu'à la tombée de la nuit. En quinze jours, le pont couvert fut debout, solide et pratique, tel que l'avait rêvé Martin. Il fut décidé qu’il serait peinturé de rouge et on le nomma le pont Prud’homme.
Non seulement les habitants du canton, réfléchissant à ce qu'avait accompli tout seul Martin pour leur bien à tous, lui payèrent un droit de passage très consistant en pièces sonnantes, mais les autorités civiles de Brébeuf lui remboursèrent avantageusement ses heures de labeur. Martin se retrouva riche ! Il agrandit sa terre, retapa sa maison, vêtit ses enfants de neuf. Il était heureux, enfin. Mais au bout d'une année à peine, Toinette remarqua que son mari n'était plus comme avant. Une grande mélancolie avait remplacé sa gaieté. Elle se mit à le questionner pour connaître la cause de son état. Mais Martin resta muet et continua à afficher une triste mine. Bientôt, on approchait de la fin de l'année écoulée après la construction du pont couvert et Martin devenait de plus en plus soucieux. Toinette le questionna avec tant d'acharnement qu'il finit par lui dire :
- J'ai conclu un marché avec un inconnu qui m'a aidé à la construction du pont couvert. Je dois aller travailler pour lui. Je le lui ai promis.
- Malheureux! s'écria Toinette, tu t'es vendu au diable.
Les deux époux eurent beau pleurer et se lamenter, le mal était fait. Il fallait trouver une solution pour échapper à la promesse faite au diable. Comment faire? Martin avait beau se torturer les méninges, il ne trouvait pas le moyen d'échapper au paiement de son effroyable marché.
- Quand le diable doit-il venir? demanda Toinette.
- Ce soir même, répondit son mari.
Toinette réfléchit un long moment en silence et dit:
- J'ai l'espoir de te sauver, mais laisse-moi agir seule.
Le repas vite avalé, les deux époux envoyèrent les enfants se coucher. Ils restèrent assis sur leurs chaises devant le feu sans dire un mot. La nuit allait tomber, quand on entendit frapper à la porte. Toinette ouvrit et l'étranger qui avait aidé à la construction du pont couvert s'avança sur le seuil.
Il fit un grand salut et se dirigea droit vers Martin en disant :
- Monsieur, vous m'appartenez depuis dix minutes. Je viens vous réclamer comme mon bien.
Toinette se précipita vers l'homme et dit :
- Monsieur, laissez-moi encore mon mari quelques instants ...
- Pour combien de temps ? demanda l'étranger avec un ricanement.
- Pour le temps seulement que mettra à brûler le petit bout de chandelle que vous voyez sur la table, reprit Toinette.
- Ce n'est pas long; je vous l'accorde volontiers.
Toinette s'approcha aussitôt de la table et, soufflant de toute la force de ses poumons, elle éteignit la chandelle.
Le diable - c'est-à-dire l'inconnu - se mit en colère; il tapa du pied, jura, car il était furieux d'avoir été dupé. Mais il avait perdu et dut quitter la maison de Martin, ce qu'il fit en toute hâte. Toinette, le voyant s'éloigner, lui lança:
- Vous n'aurez pas mon mari de sitôt, car jamais je ne rallumerai ce petit bout de chandelle.
Et c'est ainsi que Toinette sauva son homme. Martin garda toujours une grande admiration pour l'intelligence de sa femme et quand, au village, il la louangeait en disant qu'elle était plus rusée que le diable, il est vrai qu'il savait de quoi il parlait!
Et le pont couvert que le diable avait construit résista pendant de longues années aux vents et aux pluies, pour l'agrément de tous. Je crois même qu'il est encore debout au-dessus de la rivière du Diable.
BONNES VACANCES
De nombreuses histoires et légendes ont circulé à propos du pont couvert Willis-Legget.
Qu’en est-il des autres ponts couverts?
Photo : Serge Bazinet
vendredi 26 juin 2009
La légende du pont Prud’homme et des vacances méritées.